vendredi 19 décembre 2008

Black Bones 1 : Histoire de Fond



Le projet Black Bones a été créé conjointement avec Bastien, qui s'est occupé de superbes visuels à consulter ici. Ce premier article sur Black Bones vise à expliquer les premiers pas dans la rédaction de cet univers.

L'histoire, située dans les années 90, l'humanité a subi les âffres d'une évolution indubitablement forcée : alors que certaines personnes sombrent dans la plus profonde folie, soudainement, sans même de précédents psychiatriques, d'autres se découvrent des aptitudes hors du commun. Dans cet état de crise, les principaux concernés par ces découvertes sont forcés de faire des choix et surtout, le monde se doit de se préparer à réagir face à eux. Surtout que la situation politique change : la Californie se voit progressivement envahie par une population est-asiatique, sous couvert d'actions humanitaires suite à un étrange séisme. Finalement, par l'action conjointe des superhéros, ils définient que la Californie sera à présent soumise à une gouvernance partagée avec l'Asie. Les envahisseurs superhéroïques sont à nos portes. Devant cette invasion, les états frontaliers font un regain d'intérêt pour le nationalisme et certaines couches de racisme bien primaire. Sous la houlette d'un super vilain, Crâne de Fer, un nazi mort-vivant, des raids sont organisés sur les minorités ethniques, filmés et mis en ligne sur Youtube. Enfin, ces fameuses minorités finissent par se soulever un peu partout et, en Arizona, les émeutes sont réprimées durement par la garde nationale avec à leur tête un super héros, Major Liberty. Ce dernier, gagnant en popularité, décide de se présenter au rôle de gouverneur...
Le récit couvre en priorité le destin d'Elroy Melton, alias Bedlam, un pyrokinésiste. Sociopathe, il est soumis aux ordres d'une Eglise nouvelle, une branche de la Sciontologie qui a réagi promptement à la découverte des superpouvoirs. Face à cette contagion de pouvoirs, l'Eglise a pris sur elle de définir les pouvoirs "acceptables" et ceux qui mettaient en péril les libertés fondamentales. Ainsi Bedlam se retrouve à tuer des gens qui ne sont pas forcément mauvais, sous prétexte qu'il pourrait l'être. Et lui l'est, indubitablement. Jusqu'au jour où... enfin, ça, c'est l'histoire de Black Bones.


Au départ, une parodie un peu facile sur les superhéros, j'ai finalement décidé de faire "ma propre histoire" de pouvoirs fantastiques. J'ai toujours été fasciné par la structure du récit de superhéros. En fait, il faut voir que je suis fasciné par le comics en particulier et le média américain en général. Malgré ce que l'on peut en dire, les Etats-Unis jouissent d'une sacrée réflexivité par rapport aux évènements qui la touchent. Même si, on ne peut le nier, l'interprétation qui en est faite n'est pas toujours la meilleure, on remarque une force de remise en question assez surprenante. Il suffit de voir des documentaires comme ceux de Micheal Moore pour s'en convaincre. C'est décidemment un pays où les contraires s'affrontent en permanence.
Au niveau du comics, m'est avis que ce regard permanent, la remise en question perpétuelle des fondements même du superhéros vient en partie même de la structure de ce récit d'un genre particulier. On remarque rapidement que le comics évolue sur une forme de mythologie fermement ancrée. C'est plus qu'une simple série de code qui régissent un récit, ici, les personnages existent en-dehors de l'apanage de leurs auteurs. On se retrouve en fait, avec un média qui se réinvente en permanence parce qu'il jouit de l'apport continu de nouveaux auteurs qui reprennent les anciens "dieux", les anciens héros pour les ressusciter, en les développant souvent selon une thématique nouvelle, plus moderne et en phase avec l'époque. On pourrait largement faire une comparaison entre le thème de Civil War, dernier-né de chez Marvel, grand fond de réflexion sur l'ingérence de l'état dans le superhéroïsme et sur la légitimité devant le peuple des superhéros, et la guerre en Irak, par exemple.
La question du superhéros s'annonce déjà comme disposant de plusieurs ramifications toutes passionnantes. Déjà, on peut tenter de la prendre à sa source. Qu'est-ce qui définit un superhéros ? Rien que cela me paraît nourrir bon nombre de réflexion. En fait, j'ai l'impression que quand il s'agit de pouvoirs sortant de l'ordinaire, on agit par déterminisme pour essayer d'en cloisonner la fonction. Si une personne déterminée est touchée par une aptitude sortant de l'ordinaire, c'est qu'il y a un sens sous-jacent qui soutend l'appréciation de ce pouvoir. C'est une démarche qui, dors et déjà, préfigure une volonté d'ordonation universelle - pour ne pas la nommée, Dieu, donc. C'est fascinant parce que cela induit l'idée que sauver quelqu'un est directement issu d'une faculté à le faire et pas d'une volonté. En outre, le sauveur est choisi, il ne se décide pas de lui-même. Pour expliquer plus clairement ma pensée, c'est dire à quelqu'un qui sait voler qu'il a été choisi pour le faire, qu'il préfère marcher ou non. Une sorte de fatalité très tragique, cependant, qui touche notre être normal pour en faire un super-héros avec la définition très précise d'être clairement un super-héros. Un pouvoir est l'oeuvre d'une entité supérieure qui en dote une personne, le déterminisme voulant qu'elle en fasse un usage moral, codifié par la société pour subvenir à ses détresses, laissées vacantes par l'inaptitude très humaine des concitoyens à régler ces problèmes-là seuls. Donc, en réfléchissant ainsi, le super-héros se dégage de la masse par son pouvoir, certes, mais aussi par sa faculté à réagir en fonction : forcément moral. Toutefois, s'il y a super-héros, on entend qu'il y ait exigence de super-héros. Le super-héros n'agit jamais sans un alter ego démoniaque qui tienne en échec les différents organes judiciaires "normaux". Le super-héros est fruit d'une crise. En cela, il interprète - à l'intérieur du récit - un regard sur la situation de péril qu'explore la société dans laquelle il se trouve. Un comics, c'est presque les Lettres Persanes modernes. En n'étant pas avili à la "bassesse" de l'humanité, le super-héros peut prétendre à un regard sur nos civilisations.

Black Bones se situe dans ces réflexions, mais pas forcément de manière précise. En outre, de prime abord, je voulais poser la question de la légitimité légale d'un super-héros. Certes, dans les plus anciens comics, le héros rendait la justice, la plupart du temps, il surprenait ses adversaires la main dans le sac et ne s'embarrassait clairement pas de procès. Mais qui a dit que le jugement d'un super-héros valait celui d'un jury ? De quelle morale échoue le super-héros qui soit suffisamment supérieure pour prévaloir sur celle des hommes ? certes, nous avons défini précédemment que le super-héros était défini par la moralité générique de la société qui lui donnait naissance. Mais l'on parle évidemment d'individus plein d'individualité, forcément, cela nuance ce jugement de valeur. La question est traîtée en opposition macrocosme-microcosme, rien de bien original, je trouve, c'est une expérience que je voulais tester en matière de narration. En outre, il s'agit d'exprimer une même situation sur deux niveaux de récit : le niveau "local", avec l'activité du ou des protagonistes et le niveau "national" à "mondial" avec des décisions plus globales touchant des milliers d'individus. On se retrouve donc avec un récit mettant en premier plan Elroy et ses péregrinations pour tuer directement des gens dont les pouvoirs semblent dangereux (télépathie, manipulation mentale, cérébrale, sensorielle) et, en toile de fond, les démarches de Major Liberty pour devenir Gouverneur, les pressions lobbistes de l'Eglise qui emploie Melton pour endiguer les projets de loi sur les fonctions exécutives des super-héros... Ma volonté étant de ne pas parodier le genre, ni tenter de le renouveler, mais de lui apporter mon propre regard, en réutilisant de nombreux codes et archétypes, mais en nuançant de mes thématiques.

Le prochaine article couvrira certains des personnages, je pense !

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