mercredi 15 décembre 2010

Sata 1 Vampire

Parue dans le premier Sata, de décembre 2009.



Dévoration



Si on y pense – et croyez-moi, j'y ai pensée – l'existence est une forme de prédation. Dès l'instant où l'on ouvre la bouche pour la première fois, on inspire, on chasse. L'air, le temps, le sens de la vie, l'instinct nous poussent en avant. Nous sommes l'hère de la destruction.


Les murs étaient d'un gris passé, impudiquement nus, fardés de noires traînées d'humidité sous néons. Deux tubes incandescents irisaient la surface d'âpreté qui m'entourait. Je n'avais pas retenu de meubles, le dépouillement me fascinait bien plus, pour l'affaire qui m'occupait.


Je suis un prédateur. Un degré de plus – ou de moins. L'exception biologique aux règles élémentaires qui définissent la vie. Un trait-plat qui pense encore. J'aime cela, la réflexion au-delà du sépulcre. L'expérience de l'intelligence en termes humains, devant le néant de l'immortalité. Et quoi ? Je vis dans une cellule où je me suis enfermé moi-même pour appréhender. A présent que je ne vis plus, je veux voir la vie. Bah, la boire aussi, ouais. Mais on le fait tous, ça. J'ai tué, violé, pillé, séduit, orgies, bruits, folies, mais nous y sommes tous. Étreindre le vivant, le fasciner et le rompre – ou le protéger, on s'en lasse. C'est l'adolescence en enfer. Bousculer les codes moraux, réactiver le sauvage, sodomiser les principes religieux en leurs tenant bien les cheveux, sur un autel, c'était cool. Mais je veux plus. Pourquoi se contenter d'exister dans les interstices de l'absurde quand tout paraît dénué de sens ? Je veux quelque chose comme la réponse à l'Absolu Pourquoi. Je pense même l'avoir trouvée, dans ce réduit dégoûtant.


Le sol était couvert de moquette verte. Les poils souffraient néanmoins d'une forme organique qui louvoyait sur eux dans des tressaillements presque sensuels. Elle émettait des bruits sirupeux, mouillés, coincés dans les humeurs corporelles.
J'ai trouvé la dernière forme de prédation.


Un seul corps – et ses sucs gastriques, qui grésillaient sur la chair à vif – se consumait. Se digérait et mourait.


Trouvée...

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